Atteution : la version normale du présent billet est risquée pour les épileptiques, alcooliques, enfants de moins de 36 mois et autres grognons qui flippent leur race en zieutant des images qui bougent trop vite.
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Ils ont du bien torturer les fourmis quand ils étaient tout petits, les Mengele de l’indie pop, pour arriver si jeunes au paroxysme du sadisme musico-traumatique. OK Computer fut savamment élaboré comme instrument de ravage des esprits des petits-bourgeois occidentaux, présensibilisés à jouir dans l’agonie émotionnelle de mélopées neurasthénésiantes et suicidogènes. Plus cyniques et intelligents que ce que le wakenwo avait pu offrir jusques céans, Pink Floyd, Talking Heads, Lou Reed et autres Joe Jackson réunis, Radiohead est le nom de ce gang bien rodé pour découper avec délectation sur leur planche de boucher avec leur couteau à tartare les nerfs et âmes de leurs foules fanatisées et en tirer tous les fruits qu’un authentique groupe de rock peut espérer : puissance, dévotion, gloire. Et plein de flouze.
Oui bon d’accord, cet album n’est pas mauvais, loin de là. Ce n’est pas la question d’ailleurs, si ce n’est que, par des artifices émotionnels bien calibrés, la critique et le public perdent toute distance pour replacer cette musique pour ce qu’elle vaut : une collection de ballades geignardes et de rocks un peu énervés, entrelardés de langueurs mollassonnes propices à l’évasion lacrymale ou plus, selon qu’on aura pris en excès comme il se doit les doses requises de valium, binouze ou colle à PVC, selon arrivage. Écouté à jeun et si on n’a pas de problème au boulot, avec sa mère, sa banque, sa moitié et sa bagnole (ce qui n’est pas le plus évident du monde, c’est bien là la ficelle), OK Computer révèle sa tendance à enquiller les jérémiades en un chapelet spécifiquement peu primesautier. À croire qu’ils l’ont fait exprès. D’ailleurs : ils l’ont fait exprès.
Reprenons vaguement par le début. Objectivons. Analysons, décortiquons, disséquons, autopsions. Sortons du pathos et du plan market’ qui nous a mis dedans. Les idées froides, la
tête à l’ombre, les pieds au soleil. L’album a été conçu assez tardivement dans les années 1990, à une époque où papes du trip-hop et autres cadors de la production hyper-léchée avaient su reprendre et parachever le labeur inachevé de la cold-wave des 80’s : faire chialer pour rendre dépendant, rendre dépendant pour obtenir pouvoir et subsides. Bon, dit comme ça, cela fait un peu parano et caricatural, mais si on garde les grands principes et qu’on se replonge dans la construction de l’album par les 5 intellos d’Oxford, ça paraît déjà nettement plus effrayant de calcul.
Ainsi, l’attaque du cédé (Airbag) a été conçue pour "faire du DJ Shadow", si on en croit difficilement nos oreilles et plus facilement les aveux que firent nos loustics. Le premier single et deuxième morceau, c’est tout pire encore plus : Paranoid Android est une resucée du principe de Happiness is a warm gun, où Lennon avait composé d’abord 3 morceaux, puis les avait accolés pour faire une pièce complexe en trois actes. Let Down fut conçu pour finir "à la Portishead". usw. Plus généralement, sur Paranoid Android comme sur la plupart des autres chansons, les Radiohead ont expliqué diversement mais avec le même fil rouge qu’ils souhaitaient refaire un truc à la Abbey Road, le dithyrambique dernier album enregistré par les Beatles, dans les studios londoniens d’Abbey Road, justement là où nos 5 fripouilles avaient décidé de parachever les enregistrements des bricolages pondus dans leur studio d’Oxford.
Oh, on dira aussi bien souvent qu’il y a justement dans ce très étiré Paranoid Android un quelque chose de Bohemian Rhapsody. La facilité journalistique est à cet égard assez réjouissante pour qui souhaite se réconforter en démontrant qu’un appointé
officiel peut raconter des bateaux aussi gros qu’un blogueur amateur. Parce que bon, faut quand même pas pousser mémé dans les orteils, la longueur et le foutraquisme de pièces pseudo baroques ne sauraient à elles seules justifier cette assertion. Celle-ci permet surtout de glisser incidemment, nonobstant et en loucedé que c’est grâce au subtilissime gratteux de Queen, Brian May, que Thom Yorke a décidé de devenir la plus grande rock star du monde, comme ce petit prétentieux aimait déjà à le narrer à ses acolytes de cours d’écoles qui faisaient bien alors de lui foutre des roustes dans sa petite trogne d’oiseau battu. De toute façon, il avait déjà un nœnœil crevé, ça rajoutera à son image de marque de rat écorché évadé d’un labo de manipulations neuropsychiatriques. Tout bénef.
Figure B : "Quoi ma gueule ?" (variation par Jean-Claude Goldberg). Photo Vidal-Lablache Thom Yorke, justement, et son triple mobile : l’apparente rancœur d’un physique faussement disgracieux (Jouvet, Simon et Gainsbourg nous avaient joué la même serinette, et ils savaient tout aussi bien emballer ; y a quand même pas que des Damon dans la vie, faut sortir les mecs (quand je dis les mecs, j’embrasse aussi les filles hein)), le cerveau d’un médaillé Fields, tout ça couplé à la sagacité créatrice d’un Wolfgang Amadeus M. Et vas y que je te construis un beau mythe propre à justifier toutes les démarches un peu hors des voies traditionnelles des groupes de rock même un peu subtils. On fera ainsi passer la pillule d’albums hyper-produits (ah : Nigel Godrich... fils illégitime de Phil Spector et Bob Ezrin, pluggé avec un peu de la moelle épinière de Brian Eno) et de ces multiples messages ésotériques propres à faire accroire du moindre paragraphe de Bernard Werber qu'il est bon pour l’Encyclopædia Universalis. Et que je te balance des références au Guide de l’auto-stoppeur galactique, à la chance de ne pas crever dans un accident de voiture grâce à des airbags potentiels, aux voyages d’infraterrestres depuis les dylannesques profondeurs de notre planète, à ces yeux brûlants qui vous regardent dormir à travers vos vitres parce que vous avez oublié de tirer les rideaux mais heureusement que vous avez un bouton d'alarme, à des robots paranoïaques, à une Sarah qu'on invite à me tuer et autres police karmique... Ron Hubbard, réveille-toi : ils sont devenus fous !
On aurait bien tort de mésestimer ces raisons fallacieuses mythifiant Yorke, son cerveau, sa vie difficile, son charisme de télévendeur d’aspirateurs de table et ses 4 poteaux boutonneux, parce qu’elles sont la clé de voûte et la pierre angulaire de l’édifice de la carrière du groupe, OK Computer posé comme la construction emblématique des plus juteuses et des plus explicites. 
N’hésitons pas à jeter de côté les apparentes nouveautés de l'album, et replongeons-y pour en exhumer la discographie finissante déjà citée des Beatles, les concept albums lénifiants des grands de la progressive que furent Pink Floyd ou Genesis, les bidouillages au cœur des parcours scolaires des producteurs les plus émérites, les disques des pontes de l'electro down-tempo : c’est que du pareil ! Ils ont tout pompé, les sagouins ! De beaux copier-coller, avec même certaines phrases musicales tellement proches (merci Sexy Sadie) que c’en est chelou grave de chez groove.
Plus généralement, c’est l’esprit maléfique de rockers qui ont oublié d’être cons et qui planifient avant leurs albums tels les Patton des charts indés. Pas un poil d’impréparation. Tout ce qui n’a pas été prévu explicitement a été préconditionné par la construction laborantine des conditions
optimales, chaque ingrédient posé préalablement sur la paillasse pour que l’alchimie soit au mieux contrôlée, calibrée. Pas d’énervement ni de prises de son en une seule fois : on écrit, on discute, on bavasse, on trace les plans de l’album sur Autocad, on gère le timing et les ressources sur SAP. La méthodologie de projet a trouvé ses maîtres, et les ingénieurs de chez Toyota peuvent remballer leurs 6 sigma et autres total quality managing process. Radiohead pond des albums comme on lance des "innovations" technologiques chez Procter & Gamble : on pique les meilleures molécules existantes, on fignole un super packaging flashy et on alloue un budget com’ pour le lancement digne du PIB des Hauts-de-Seine.
Pas
de surprises donc de se retrouver avec des chansons taillées au cordeau sur des mélodies somme toute assez pauvrettes. Aucun étonnement que des cinéastes aussi fins, subtiles et dentelliers que Cédric Klapish priment un No surprises (voir notre vidéo clup ci-dessus, fig. B) et autres OK computeries pour émailler les instants pleurnichards de ses films pour adulescents. Point de révélation que cet album ne fut scientifiquement conçu pour produire autre chose que ce qu’il devait produire.
Le titre de l'album lui-même, semi aveu de l’importance de l’ordinateur, le finale de Let Down dont les bilibilip furent tirés du Sinclair ZX Spectrum que tout nerd bien formé chérit dans son cœur, ou encore la trop évidente liste postmoderne Fitter happier paresseusement récitée non par
Stephen Hawking mais via Mackintalk, robot de synthèse vocale dont abusent depuis 15 ans tous les nouveaux possesseurs de
pendant la première semaine de leur acquisition, puis passent à autre chose, on va pas en rester là, quand même. Belle hypocrisie d’ailleurs que de se gausser de Bill Gates, les Radiohead n’étant pas beaucoup moins carriéristes et calculateurs que celui qu’ils cherchent à diaboliser (remarque, c’était légèrement plus courageux que de taper dans le même album sur des politiques déjà retirés des ouatures en 97, Thatcher et autres Major dénoncés au fil des Electioneering et autres occurrences et messages cachés au fil de l’album fourre-tout).
On ne va pas éplucher tout l’album, ce serait lourdingue et d’autres savent le faire avec autrement plus de talent et d’à-propos. Reste donc cette tonalité générale de s’être fait avoir mais d’y prendre son pied, consentantes victimes du machiavélisme de ce hold-up émotionnel à peine moins grossier qu'un Von Trier ou un Almodovar. Une bonne chialade, une simili-dépression, un quasi nervousse bréquedone : voilà ce qu’on recherche à l’écoute d’OK Computer. Pas besoin de faire croire par dessus le marché que ce disque est génial. Il est efficace, ni pu ni moins.
Mais ça, bien évidemment, personne n’ose le dire.
La note : B'en, pour vous faire plaisir...
La raison de cette chronique moins Pop Hits que Top of the flops ? Z'avez qu'à suivre le lien et vous informer sur d'autres révélations exclusives et brillantes sur la vérité vraie des baudruches musicales qu'on veut nous faire prendre pour des carrosses.